Interview : psychologue du travail, un regard extérieur pour aider l'entreprise

Marie Sard est psychologue du travail à l'ASTBTP 13 depuis 2017. Ses thèmes de prédilection sont les risques psychosociaux (RPS) et la qualité de vie au travail (QVT) au service de la performance de l'entreprise. Avec l'appui de l'équipe pluridisciplinaire de son service de santé au travail, elle oeuvre pour accompagner les entreprises, leur apporter une aide extérieure dénuée de tout jugement, de contrôle ou sanction. Elle nous explique ses motivations et ses missions.

 

Pouvez-vous nous décrire votre activité au quotidien (ou sur une semaine type si c’est plus parlant) ?

Au sein de mon service de santé au travail, les jours et les semaines ne se ressemblent pas. Très autonome dans l’organisation de mon planning, je peux programmer les entretiens individuels avec les salariés (sur demande du médecin du travail) en fonction des centres médicaux de référence des salariés et de mon planning déjà établi, ou dans le cadre de notre cellule "maintien en emploi", parfois en binôme avec notre partenaire Cap Emploi.

Je peux aussi accompagner les médecins du travail en entreprise pour une réunion avec la direction dans le cas d’une alerte "souffrance au travail" ou participer à des CSE dont le thème est relatif aux risques psychosociaux. J’anime aussi des sensibilisations sur mes thèmes de prédilection qui sont les RPS ou la qualité de vie au travail au service de la performance de l’entreprise.

Mon temps se répartit entre actions collectives en milieu de travail (AMT) et entretiens individuels avec les salariés. Je suis employée à temps partiel, 3 jours par semaine, les lundis, mardis et jeudis. Globalement, je dirais que je fais 50% d’entretiens individuels, 40% d’AMT et 10% de sensibilisations.

Comment travaillez-vous avec les autres membres de l’équipe pluridisciplinaire ?

Étant la seule psychologue du travail de l’ASTBTP13, je travaille pour les 17 médecins du travail. Même si mes interlocuteurs principaux sont les médecins du travail, les IPRP (intervenants en prévention des risques professionnels) et notre ergonome, j’ai le plaisir de travailler également avec les infirmières en santé au travail, dans le cadre de la cellule "maintien en emploi" notamment. En fonction des besoins, je peux aussi m’appuyer sur les compétences de terrain et les connaissances des entreprises de mes collaborateurs de l’équipe technique.

Je fais aussi partie de la commission médico-technique (CMT) et suis ponctuellement invitée à participer aux réunions IDEST/médecins quand les thématiques maintien en emploi, QVT et RPS sont évoquées.

Comment votre métier est-il perçu par les entreprises ?

L'ASTBTP 13 est au service des entreprises du BTP, qui peuvent être confrontées aux RPS au même titre que les autres entreprises, du tertiaire par exemple. Toutefois ce secteur a mis plus de temps à intégrer les RPS au sein de sa prévention. Ce n’était par exemple pas la priorité des très petites entreprises, soucieuses d’honorer avant tout leurs commandes ou d’en avoir de nouvelles. Notre SST travaille également avec de grands groupes dans lesquels des services spécialisés RPS/QVT sont déjà en place.

Toute l’équipe pluridisciplinaire et moi-même œuvrons, dès que nous en avons l’occasion, pour faire valoir le rôle du psychologue du travail aux côtés des entreprises, sans jugement de ce qui est bien ou mal dans leur organisation, sans rôle de contrôle ou de sanction mais bien pour apporter un regard extérieur "aidant". J’aime me décrire comme la petite goutte d’huile dans les rouages de l’entreprise qui peut parfois remettre la "machine" en route. Pouvoir entrer en contact avec les salariés et les employeurs, œuvrer à leurs côtés pour comprendre leur problématique, aider à leur faire préciser leur demande et les accompagner est le cœur de mon métier.

Et vous parvenez à faire de la prévention primaire, c’est-à-dire à intervenir avant que les problèmes n’apparaissent ?

Nous devons informer, informer et informer encore. Parler des RPS ne les fait pas plus apparaître dans l’entreprise et ne provoque pas une vague d’arrêts maladies ! Au contraire, moins on en a peur, plus on en parle, moins cela devient tabou, et plus on devient efficace et pro actif ! Mais si je dois être totalement honnête, je ne peux pas vous dire que la prévention primaire est mon quotidien… Dès que cela est possible, j’essaie, mais je ne peux en faire que trop rarement… J’interviens généralement sur des situations déjà dégradées, je fais donc beaucoup de prévention tertiaire. Mais j’aime les chalenges et je suis sûre qu’à force de continuer à informer, proposer notre soutien, nos conseils, nos services, nous parviendrons à réaliser de plus en plus d’actions de prévention primaire !

Aujourd’hui, on parle beaucoup de RPS et de QVT. Pouvez-vous nous expliquer comment vous intervenez sur ces problématiques dans les entreprises ?

Il est vrai que ces thèmes sont de plus en plus évoqués et la QVT notamment grâce au PRST 3 PACA (Plan régional santé Travail 3 de la région PACA). Concernant les RPS, je peux conseiller les entreprises dans la mise en place du volet RPS du Document Unique ou encore participer à des groupes de travail sur la prévention des RPS, la mise en place d’indicateurs de suivi, des diagnostics RPS, le conseil et le suivi des actions qu’ils mettent en place. Pour des diagnostics à grande échelle, je m’appuie sur le Réseau i3R qui suit une charte et une méthodologie sérieuse.

Concernant la QVT, nous avons choisi de l’aborder comme un outil de renforcement de la performance de l’entreprise. Nous ne rentrons pas dans les négociations d’accords de branche, nous restons dans l’analyse des 6 facteurs de la QVT définis par l’ANACT. Nous pouvons également nous appuyer sur nos partenaires qui développent le réseau référent de la QVT avec une charte et une méthodologie à suivre tout comme pour les RPS. Ce réseau est en cours de structuration.

Je fais principalement des sensibilisations en entreprise, ou dans nos locaux. Je crée sur mesure, en collaboration avec le médecin du travail, la sensibilisation la plus adaptée aux besoins de l'entreprise. En tout cas, une chose est sûre, il faut oser parler de ce qui se vit au quotidien dans les entreprises, de ce qui les freine, sans crainte du jugement. Nous sommes les interlocuteurs privilégiés des entreprises, nous pouvons les écouter et ensemble trouver des actions concrètes, réalistes et réalisables à mettre en place.

 

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